J32 - Cargo de nuit.. Change de peau...
"35 jours sans voir la terre, fatigué, mal rasé, l’amour il faut payer..... Tadadaya pta ptaya", ça m’avait marqué ce tube quand le rockeur Axel Bauer explosait sa guitare par terre à la fin de son interprétation. La chanson l’énervait à chaque fois.
Bientôt 35 jours sans voir la terre et depuis 2 nuits, c’était un peu l’enfer à bord car l’alarme du détecteur de radar sonnait tout le temps à cause des bateaux de pêche. Il y a 2 nuits, l’un d’eux venait dans ma direction et à 4h00 du mat, j’ai ramé comme un cinglé pour être certain de l’éviter mais il m’avait vu et il a fait demi tour. Ceci s’ajoutant à cette connerie de vent qui ne veut rien lacher, j’étais fatigué avec un petit coup de mou. Et puis ce matin, un bruit de moteur me sort de ma torpeur. Au début, je me suis dit "Ha putain... une mouche à merde", mais c’était un hélico. On aurait dit celui de Big Jim. Il a tourné une heure au dessus de moi, faisant un repère pour un gros bateau qui venait de loin.

" Ici, y s’font pas chier pour pêcher. Ils repèrent la friture avec un hélico."
J’ai d’abord cru que c’était des gardes côtes et j’ai changé de tee shirt, histoire que s’ils sortaient les klébards pour sniffer la dope, ces cons de klebs ne me reniflent pas sous les bras. En fait, Ils venaient pêcher les milliers de poissons qui frayaient autour de de ma barque et le boss du rafiot de me dire à la VHF : "Sir, You are on a spot, we catch the fishes and after we talk together"
- Moi j’ai dit "OK, but be carefull" à la Maurice Chevallier. Finalement les poiscailles se sont fait la valise avant qu’il ne balance ses filets. Il est énorme ce bateau. On a discuté et ils sont au moins 30 gars de toutes nationalités à glander dessus. Ensuite, une petite embarcation est venu me rejoindre avec des bouteilles de Rhum de Bacardy de Cuba, du vin, de la bière, 15 Kg de pommes, des conserves de salade, des boites de thon, 20 litres d’eau minérale.
"Allez savoir pourquoi, j’ai eu autant de plaisir à leur parler."
Imaginez qu’en plus, le courant est moins fort et que je fais du cap un peu vers l’Ouest. Putain c’est le paradis maintenant. Pour la sécurité, il m’a dit que je ne risquais rien avec les bateaux de pêche car il ont les yeux rivés sur leurs écrans pour repérer les poissons. Gérard, au Pérou, qui les surveillent avec des balises n’est pas trop d’accord avec cette théorie et je vais me méfier quand même. Petit hic, en m’abordant, le bateau a plié un pelle de rame mais je m’en fous ça à l’air d’aller et j’en ai d’autres. Au finish, je leur ai demandé de sécuriser ma descente sous l’eau pour gratter les fuits de mer mais le boss me l’a déconseillé car 2 gros requins tournaient dans le restaurant. Faut qui bouffent eux aussi.
Je ne peux pas tout avoir.