06/07/2010 - J24 - Clinique Pasteur Toulouse, la brouette à moules
Ici, y’a une ambiance alizéenne. Il fait beaucoup plus chaud avec du soleil. J’ai une bonne nouvelle. J’ai essayé la méthode que Vincent et d’autres potes me conseillaient et qui consiste à faire des noeuds sur une corde puis de la faire glisser genre fil à dent tout au long de la coque. Et bien ça marche très bien, Clinique Pasteur Toulouse cette illustre institution, n’est plus une brouette à moules, et je le sens en ramant, c’est redevenu un plaisir. Cet effort avec la corde est exténuant mais je préfère cet exercice à la baignade. J’ai l’impression que ces anatifes ne sont pas tout à fait les mêmes que ceux de l’Atlantique. Sur la vidéo, on voit que ceux de l’Atlantique n’ont qu’un pied et étaient très durs à arracher. Là, c’est une hydre, y’a plein de tête et ils se décollent facilement. J’espère que si j’en laisse un petit bout ça ne va pas repousser. ( Si quelqu’un a la réponse, qu’il me la donne sur l’adresse de contact ). Enfin, toujours est-il qu’il a fallu faire l’arrière du bateau, le maillot, et j’ai assisté à une scène où un requin de 2-3 mètres chargeait les dorades qui, ces couillonnes, se bousculaient pour se planquer sous la barque. Je les ai même filmées à la deuxième attaque, lui, je n’ai que son aileron sur une autre séquence. Elles qui sont si fières d’habitude quand elles attaquent les exocets. Mais je les comprends, il ne s’agit pas juste d’aller faire les cakos en boite de nuit, elles doivent éviter de se faire bouffer. Lui, le requin, ça ne l’inspire pas trop la barque, il s’arrête 10 m avant. J’espère qu’il ne va pas s’habituer à moi car une barque de 2 rameurs sur l’Atlantique s’est fait arracher le safran par un requin qui chargeait des dorades. En tout cas, il peut y aller sur le safran du capt Ginisty, c’est du béton armé. Il va y laisser les dents le squale et ce blaireau pourra se nettoyer les ratiches avec ma corde à noeuds.
"Anatifes sur le bateau "Diogène", Atlantique 2006. Ce n’est pas de la pisciculture
mais de l’aquaculture. OK
05/07/2010 - J23 - A l’Ouest, y a du nouveau
C’est les vacances et ça se sent même sur le site qui a pris des allures
de colonie avec une annonce : "Direct Live", article que je
n’ai pas écrit mais j’aurais pu. Enfin dès que j’arrive à la plage, c’est
OK, on en met partout. Pour l’instant on est repassé en mode balade.
Pour mon trajet il reste à atteindre le 92° Ouest ( 340 km ) avant de voir
basculer le vent Est-Sud-Est qui pour l’instant est Sud-Est ce qui est
quand même une bonne surprise. En clair, vivement qu’il me pousse dans la
bonne direction et il reste encore une semaine de balade avec le vent de
côté à me dire "La vache ! s’il me poussait vers l’Ouest celui là, je
partirais comme une balle".
04/07/2010 - J22 - Préjugés
Je ramais tranquillement quand cette bête de féraille s’est approchée de moi avec le nez légèrement décalé. Sauf que je ne voyais pas se dessiner la longueur de la coque et je me suis dit "Nom de Dieu, il me fonce dessus" et de rajouter "si ça se trouve, c’est un de ces cargos voyous des anciens pays de l’Est." (Histoire un peu triste que j’avais lu dans une revue racontant l’histoire d’un cargo qui fonce volontairement sur un voilier.) Je l’ai cru jusqu’au bout car ce couillon avait détecté mon transpondeur qui normalement lui permet de me voir à 16 km et il déviait sa route pour me contourner en faisant un quart de tour de ma barque avec un coup de klaxon qui m’a bouché les oreilles et de grands saluts sur le pont. (Evidemment, la batterie de ma VHF était déchargée). Vu le nom du bateau, il venait sans doute d’un pays de l’Est. Ma peur a transformé quelques minutes, des marins bienveillants en criminels.
Pacifique Sud, le 04/07/10
03/07/2010 - J21 - Frégate de Taïwan
Y a des frégates qui volent au dessus de moi et qui pêchent. C’est toujours le même cirque, elles plongent et à ras de l’eau, elles font les chauves souris et ces conos de poissons qui volent paniquent, s’envolent et se font choper. J’ai même vu un match entre une dorade et une frégate et c’est la dorade qui est arrivée en premier. Connaissez vous la frégate, ce piaf d’une élégance rare. Ses ailes sont aiguisées comme des couteaux. Je vous envoie une photo si j’arrive à les avoir de près. Par contre, ne pouvant pas se poser sur l’eau, elles ne s’éloignent pas trop des côtes (300 milles) et c’est signe que je me rapproche des Galapagos et que je dois ramer à fond pour ne pas me faire remonter sur ces îles par le vent et le courant. Ou alors elles viennent du Nord du Pérou ou de l’ Équateur dont je suis encore proche. Ma soeur, la Nini, m’a demandé l’autre jour "C’est quoi au juste ton voyage, c’est de longer la côte de l’Amérique du Sud ? T’es bientôt arrivé alors." Arrrgggh
Pacifique Sud, le 03/07/10
02/07/2010 - J20 - Coques en stock
Ce matin j’étais quand même un peu préoccupé par cette histoire de coquillages et surtout de la mise à l’eau de mézigue. Je me suis exécuté et j’ai déguisé le bateau en Cowboy avec des cordages qui trainaient de toutes parts pour m’accrocher et hop ! à la baille avec les ailerons. J’ai gratté un bon moment jusqu’à ce que je sente le froid me tétaniser et je suis remonté sauf que je n’ai pas fini ( Il en reste 1/3 ). Je suis couillon car je suis descendu avec un couteau à mastic de 8 cm de large. En fait j’aurais dû me fabriquer une truelle plus large mais tant pis c’est déjà ça, je recommencerai quand il fera soleil et que ce sera calme. Hier j’étais fainéant et aujourd’hui aussi car j’ai aussi essayé de finir le travail en passant une sangle genre fil à dent. Je vais me remettre aux avirons car y a du chemin. J’ai eu Jean-François au téléphone sur radio d’Artagnan, c’était très sympa. Un pour tous.
01/07/2010 - J19 - C’est pas grave mais ça m’plait pas
Depuis quelques jours, les pelles pesaient une tonne quand je les plantais dans l’eau et je me sentais cloué à la baille. Je me suis dit que j’étais crevé et j’ai imaginé que le courant était contraire. Or d’après météostrategy, le vent ne me pousse pas vers l’Ouest mais il n’est pas contraire. Je ne comprenais rien et j’ai donc décidé de filmer sous la coque et Oh ! surprise ! il y a une forêt vierge avec plein de petits poissons. Voilà la nouvelle : j’ai appliqué un antifooling de merde et les anatifes ont poussé à une vitesse folle. Je suis dégouté car je m’étais juré de ne pas plonger. En plus, il va falloir le faire plusieurs fois avant la Polynésie mais une fois là bas je vais me trouver une île avec un lagon pour refaire ça car je vais pas passer ma vie dans l’eau avec les ailerons. Pour certains c’est de la rigolade, pour moi c’est une épreuve. Je sentais bien kekékechoznalépa.
Forêt primaire sous la coque à J19
30/06/2010 - J18
Je vais passer en direct vendredi sur l’antenne de Radio d’Artagnan et j’en
suis pas peu fier. On devient pote avec l’animateur Jean-François. Lolive
va mettre un lien pour que le direct soit sur le site entre 18H00 et 19h00
dans l’émission "Place au sport". Il vous précisera l’heure. Il n’y aura
pas de différé.
J’ai mis aujourd’hui les lunettes de soleil que m’ont offert Annick
Gilibert et l’opticien Lascaux de Limoges. Elles sont géniales car il n’y a
pas beaucoup de soleil et je vois super bien. En plus, je ressemble à Yves
Saint Laurent. C’est pas comme les lunettes à 2 balles que m’a offert
Lolive, j’ai l’air d’un crooner mais il fait nuit quand je les mets. Peut-être que
pour l’arrivée je mettrai quand même celle de Lolive.
30/06/2010 - J18 - Exocet
Pour en revenir à la bestiole qui a marqué un panier à 3 points. Le poisson
volant agrémente ma balade de la compagnie de ses prédateurs. Les Puffins,
oiseaux du large toujours présents, viennent frôler avec le bout de
leurs ailes le creux des vagues et déclenchent de temps en temps la fuite
d’un poisson qui bêtement s’envole, alors le piaf accélère son vol et
chope le malheureux avant qu’il ne replonge. C’est impressionnant et
qu’est ce qui faut être con pour s’envoler au lieu de plonger. Mais le
combat le plus rigolo est celui que déclenche la dorade coryphène. D’abord
elles sont plusieurs, elles chassent en bande. Plusieurs d’entre elles ou
toutes d’ailleurs sautent et frappent la surface de l’eau en retombant sur
le coté car elles sont plates et ça fait plus de bruit, un peu comme les
dauphins de l’autre jour. Je ne sais pas du tout à quoi sert cette phase,
peut être à faire remonter les missiles à pot de chambre, en tout cas
lorsque le combat se déclenche, en même temps que le poisson s’envole à une
vitesse très rapide ( mais toujours à ras de l’eau ), une dorade suit à toute
berzingue, un vrai Tex Avery. On dirait une scie circulaire qui fend la
flotte, et là, de deux choses l’une, soit le poisson a encore du jus et il
frappe la surface de l’eau avec sa queue, reprend de l’élan mais surtout
change de direction, et alors la dorade aveuglée par la gerbe perd le poisson
de vue et l’avion renifleur est sauvé, soit, complètement occis, il
amerrit et se fait bouffer. Tu vois mon pote, je ne m’ennuie pas sur l’eau.
Pour finir sur ce sujet, ils ont pris le surnom d’exocet dans le langage courant
des marins car ils font des vols de nuit et je les suspecte d’y voir que dalle
quand il n’y a pas de soleil car les percussions sur la coque n’arrivent que
la nuit et dans la cabine c’est une explosion. Je donnerais cher pour avoir
une photo de sa tronche juste après l’impact. Et je dis que les impacts n’ont
lieu que la nuit, heureusement, car je me vois mal prendre cet obus de
chaise percée dans la face pendant que je rame.
29/06/2010 - J17 - Poisson mariné !
Pendant 2 jours la mer était très agitée avec une houle Sud de 4m qui croisait une houle d’Ouest ?? avec les 25 nd de vent Sud-Est ça déferlait pas mal et j’ai même eu la nausée. Hier soir les dauphins sont passés me voir et sont restés longtemps, je les entendais couiner à travers la coque. Ce matin, c’était plus calme mais une vision d’apocalypse m’attendait : la nuit, un poisson volant avait atterri dans le pot de chambre que je laisse évidement dehors, "la pauvre bête", quelle mort atroce. C’était déjà arrivé en traversant l’Atlantique. En tout cas tout est paisible, avec un vent de Sud-Est de 15 nd, le soleil qui perce un peu et des dorades Coryphènes qui sautent partout. Demain je pêche.
28/06/2010 - J16 - La centaine d’amour
J’ai commencé mes délires culinaires. C’est un peu tôt dans ce voyage et il faut que je me contrôle mais c’est quasiment toujours le même. Je rêve que je mange des tomates à la vinaigrette. Je finis par y penser le jour et en fin de voyage, quand j’arrive, j’en profite pour en manger régulièrement avec un bonheur extatique puis cette ivresse s’atténue. Pourquoi faut-il que l’on retrouve ce que l’on aime quand on le perd ? Et tu peux toujours essayer de reproduire cette mécanique de manque artificiellement, ça ne marche pas, il faut le perdre. En ramant je pensais « Sauf peut être dans le poème de Pablo Neruda, « La centaine d’amour » du recueil que j’ai avec moi. Sont malins ces poètes ! Mais je t’arrête tout de suite, n’essaye pas de lire mes états d’âmes dans ce poème, car moi, je pense à une tomate à la vinaigrette quand je lis ça, c’est juste pour illustrer. De plus, je conseille à mes potes de ne pas envoyer ça à une femme pour la séduire. A tous les coups elle va s’arrêter sur le titre et te dire « Heinnnn, c’est quoi ce poème de polygame », elles cherchent toujours un message caché et si elles le trouvent dans le titre, t’es mort.
La centaine d’amour,
Sache que je ne t’aime pas et que je t’aime
Puisque est double la façon d’être de la vie,
Puisque la parole est une aile du silence,
Et qu’il est dans le feu une moitié de froid
Moi je t’aime afin de commencer à t’aimer,
Afin de pouvoir recommencer l’infini
Et pour que jamais je ne cesse de t’aimer :
C’est pour cela que je ne t’aime pas encore.
Je t’aime et je ne t’aime pas, c’est comme si
J’avais entre mes deux mains les clés du bonheur
Et un infortuné, un certain destin.
Mon amour a deux existences pour t’aimer.
Pour cela je t’aime quand je ne t’aime pas
Et c’est pour cela que je t’aime quand je t’aime.