J108 - Qu’allait-il faire dans cette galère ?
Bateau pneumatique jaune, Sévilor Caravelle, dont nous étions propriétaires.
Je dois vous expliquer ce qui, à l’âge de 10 ans, a déclenché mon envie acharnée de traverser un océan à la rame...
Mon père venait de passer son permis bateau ( on devrait dire "de bateau", car ce n’est pas un permis banal ), mais il avait trop hésité avant l’été pour acquérir une embarcation avec laquelle on aurait pu faire du ski nautique. Il a donc acheté celui que vous voyez en photo... ( cette histoire est vraie au mot près )... Comme tous les ans, l’été, on est partis à l’île de Ré en famille se faire bronzer la raie pour ceux qui avaient une raie et la tonsure pour ceux qui avaient une tonsure ... Ma soeur et moi, nous étions très intrigués par ce bateau, et pressés de monter dedans... Nous voilà donc partis tous les 4 à la plage de la Conche, au Nord de l’île... Ça commençait mal, car on était morts, rien que de gonfler cette chambre à air... On le met à l’eau, et là ! mon père s’interpose et nous dit : "Non, non, les enfants, c’est moi qui l’essaye en premier, je veux me rendre compte de la force qu’il faut pour se déplacer avec "... Putain, on l’avait donc gonflé pour lui... A 10 et 11 ans, ça compte... Il essaye de monter dedans, sauf que dès qu’il y a 1 mètre de flotte, c’est mou, t’as pas d’appui, et l’autre coté à tendance à te revenir sur la gueule... du coup, on le ramène au bord. (ma mère dans les dunes regarde la scène). Là, mon père remonte dedans... et pour le coup, comme y’avait plus d’eau, il lui a fallu 3 plombes et 3 vagues pour faire les 10 mètres nécessaires afin que les rames ne grattent plus le sable... Ha, c’était beau ! On voyait juste sa tête qui dépassait, coiffée de son bob rouge, ses lunettes de soleil sur le nez... Et ça flottait... C’est très émouvant pour un petit de voir son père qui flotte... et le voilà parti en direction de l’Amérique... mais... en travers de la plage, pour faire les essais... Sauf que c’était aussi en travers des vagues... Il se fait alors emmener bien à la limite de déferlement et une vague un peu scélérate nous a retourné, et le Sévilor, et notre père, qui, à l’envers, tenait encore les rames... C’est très émouvant pour un petit de voir son père qui ne flotte plus... Puis il a bien fallu qu’il respire, alors il est ressorti, sans bob, et sans lunettes... Ma soeur, une heure plus tard, en nageant, a sauvé le bob qui, en séchant, est passé en taille "small"... C’était trop fendard... On n’a jamais eu droit à remonter dedans, y’avait toujours trop de mer...
Il n’a servi que cette fois là, et depuis, une blessure au fond de moi mal cicatrisée a généré ce goût immodéré pour l’océan et les bateaux à rame...
J’espère que cette fois, avec cette mare à canards, j’aurais réglé mon problème.